- EAN13
- 9782012031142
- ISBN
- 978-2-01-203114-2
- Éditeur
- Black Moon
- Date de publication
- 20/02/2013
- Collection
- BLACK MOON THRI
- Séries
- Annika B.
- Nombre de pages
- 416
- Dimensions
- 22 x 14 x 0,3 cm
- Poids
- 454 g
- Langue
- français
- Langue d'origine
- suédois
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L'édition originale de cet ouvrage a paru en langue suédoise
chez Piratförlaget, sous le titre :
Sprängaren
Copyright © Liza Marklund, 1998.
Published by agreement with Salomonsson Agency.
Traduit du suédois par Jean Renaud et Catherine Renaud.
Illustration : © Dinozzaver - photolia.com/Plain picture/Image Source.
Conception graphique : Julie Simoens.
Une première édition française a paru aux éditions du Masque, département
des éditions Jean-Claude Lattès, en 2002 sous le titre :
Deadline : les enquêtes d'Annika Bengtzon.
© Hachette Livre, 2013, pour la présente édition.
Hachette Livre, 43, quai de Grenelle, 75015 Paris.
ISBN : 978-2-01-203169-2
Les enquêtes d'Annika Bengtzon
Studio 6
Fondation Paradis
Meurtre en prime time
Deadline
PROLOGUE
La femme qui allait bientôt mourir franchit prudemment la porte et jeta un rapide coup d'œil dehors. La cage d'escalier derrière elle était dans l'obscurité, elle n'avait pas allumé en descendant. Son manteau clair flottait contre le bois sombre de la porte. Elle hésita avant de s'engager sur le trottoir, comme pour vérifier qu'elle n'était pas observée. Elle respira à fond deux ou trois fois et, pendant quelques secondes, son haleine blanche forma une sorte d'auréole. Puis elle rajusta la lanière de son sac sur son épaule et serra plus fermement la poignée de sa serviette. Elle redressa la tête. Enfin elle se mit en route d'un pas souple et feutré en direction de la rue Götgatan. Il faisait un froid âpre, un vent glacé traversait ses collants fins. Pour contourner une flaque d'eau gelée, elle se retrouva un instant en équilibre sur le bord du trottoir. Mais elle se reprit avec vivacité et, tournant le dos au réverbère, plongea dans l'obscurité. Le froid et le noir assourdissaient les bruits de la nuit : le bourdonnement d'un système de ventilation, les cris de quelques jeunes éméchés, une sirène au loin.
La femme marchait vite, d'un air décidé, avec assurance. Elle sentait le parfum de luxe. Lorsque son téléphone portable sonna tout à coup, elle demeura perplexe. Elle se figea au milieu d'une enjambée, regarda rapidement autour d'elle. Puis elle se baissa, appuya sa serviette contre sa jambe droite et se mit à chercher dans son sac. Tous ses gestes exprimaient l'irritation et l'incertitude. Elle sortit son portable et le colla à son oreille. En dépit de l'obscurité, pour quiconque l'aurait observée, ses réactions étaient claires : la contrariété d'abord, l'étonnement, puis la colère et finalement la peur.
Quand la conversation fut terminée, la femme resta debout quelques secondes, téléphone en main. Elle pencha la tête et eut l'air de réfléchir. Une voiture de police passa lentement à côté d'elle. La femme, dans l'expectative, la suivit du regard. Sans rien faire pour l'arrêter.
Elle avait manifestement pris une décision. Elle rebroussa chemin, dépassa la porte en bois sombre et atteignit le passage pour piétons au croisement de la rue Katarina-Bangatan. Elle vit arriver un bus de nuit, releva la tête, suivit la rue des yeux jusqu'à la place Vintertullstorget et le long du canal de Sickla. Au-delà s'élevait le grand stade olympique, le stade Victoria où dans sept mois se déroulerait l'ouverture des J.O. d'été.
Le bus passa, la femme traversa le boulevard Ringvägen et prit la rue Katarina-Bangatan. Son visage était inexpressif, seule sa hâte indiquait qu'elle avait froid. Elle franchit la passerelle au-dessus du canal de Hammarby et arriva dans le secteur olympique par le village des médias. D'un pas maintenant saccadé, elle se dépêcha de continuer en direction du stade. Elle choisit le chemin au bord de l'eau, bien qu'il soit plus long et plus froid, le vent qui venait de Saltsjön était glacial. Mais on ne devait pas la voir. Dans l'obscurité trop dense, elle trébucha plusieurs fois.
Après la poste et la pharmacie, elle tourna vers le terrain d'entraînement et fit presque en courant la dernière centaine de mètres qui la séparait du stade. Une fois parvenue à l'entrée principale, elle était essoufflée et furieuse. Elle poussa la porte et se faufila dans le noir.
— Dites-moi ce que vous voulez, mais dépêchez-vous, dit-elle en dévisageant froidement la personne qui sortit de l'ombre.
Elle vit l'autre soulever un marteau mais n'eut pas même le temps d'avoir peur.
Le premier coup l'atteignit à l'œil gauche.
EXISTENCE
Juste de l'autre côté de la clôture, il y avait une énorme fourmilière. Quand j'étais enfant, je passais de longs moments à l'observer, de si près que les fourmis me montaient sans arrêt sur les jambes. Parfois je suivais des yeux le trajet de l'une d'elles : elle quittait l'herbe de la cour, partait sur les graviers du chemin et montait le talus sablonneux. Là je faisais de gros efforts pour ne pas la perdre de vue, mais je n'y parvenais jamais. D'autres attiraient mon regard. Lorsqu'il y en avait trop, mon attention était difficile à soutenir et je perdais patience.
Il m'arrivait de mettre un morceau de sucre sur la fourmilière. Les fourmis raffolaient de ce cadeau, et je riais de les voir se jeter dessus et l'entraîner dans les profondeurs. À l'automne, quand il commençait à faire froid et que leur activité ralentissait, je fourrageais avec un bâton dans la fourmilière pour les activer. Les adultes se mettaient en colère en voyant ce que je faisais : je sabotais le travail des fourmis, je détruisais leur demeure. Aujourd'hui encore, je me rappelle le sentiment d'injustice qui était le mien alors, je ne leur voulais pas de mal, je ne faisais cela que pour m'amuser, je voulais accélérer un peu le rythme de leur petite vie.
Puis le jeu avec les fourmis a commencé peu à peu à hanter mes rêves. Ma fascination pour les insectes s'est transformée en une peur indicible face à leur nombre, au point que maintenant je ne supporte pas d'en voir plus de trois à la fois, quelle qu'en soit l'espèce. Au-delà, la panique me saisit. Cette phobie est apparue au moment où j'ai fait le parallèle entre moi et ces petites bêtes.
J'étais jeune et je ne cessais de m'interroger sur le sens de mon existence, j'échafaudais des tas de théories que j'opposais dans divers contextes. Que la vie ne soit qu'une fantaisie, ma conception du monde m'interdisait de le penser. Quelque chose avait présidé à ma création. Je n'avais aucune idée de ce que cela pouvait être : le hasard, le destin, l'évolution, voire Dieu.
Que la vie soit dépourvue de sens, en revanche, je trouvais cela vraisemblable, d'où ma tristesse et ma colère. Ainsi quelqu'un nous avait placés là pour nous étudier, pendant que nous étions en train de guerroyer, de grouiller, de souffrir et de lutter. De temps à autre, ce quelqu'un distribuait des récompenses au hasard, un peu à l'image des morceaux de sucre jetés dans une fourmilière, observait notre joie avec ironie, et notre désespoir avec la même froideur désintéressée.
La confiance est venue avec les années. J'ai finalement compris que la question du sens est sans importance. Si, d'aventure, ma vie en avait un. Et il n'est pas dit que je doive en avoir conscience ici et maintenant. De toute façon, soit les réponses existent, auquel cas je les connaîtrais déjà, soit elles n'existent pas, et alors à quoi bon y penser ?
Cette attitude m'a apporté une certaine forme de paix.
Samedi 18 décembre
Le bruit lui parvint au plus profond d'un étrange rêve sexuel. Annika était allongée sur une civière de verre dans un vaisseau spatial, Thomas était sur elle et en elle. Trois directeurs des programmes de l'émission de radio Studio Six se tenaient au pied du lit et les regardaient d'un air impassible. Elle avait une énorme envie de faire pipi.
— Tu ne peux pas aller aux waters maintenant, on est partis dans l'espace, dit Thomas.
Elle regarda par la vitre panoramique et vit qu'il avait raison.
D'autres signaux déchirèrent le cosmos et la laissèrent en sueur et assoiffée.
— Décroche, bon sang, avant que tout le monde soit réveillé ! grogna Thomas, la bouche contre l'oreiller.
Elle tourna la tête et le réveil accrocha son regard : 3 h 22. L'excitation disparut d'un coup. D'un bras lourd, elle atteignit le téléphone posé par terre. C'était Jansson, le rédacteur en chef.
— Le stade Victoria...
chez Piratförlaget, sous le titre :
Sprängaren
Copyright © Liza Marklund, 1998.
Published by agreement with Salomonsson Agency.
Traduit du suédois par Jean Renaud et Catherine Renaud.
Illustration : © Dinozzaver - photolia.com/Plain picture/Image Source.
Conception graphique : Julie Simoens.
Une première édition française a paru aux éditions du Masque, département
des éditions Jean-Claude Lattès, en 2002 sous le titre :
Deadline : les enquêtes d'Annika Bengtzon.
© Hachette Livre, 2013, pour la présente édition.
Hachette Livre, 43, quai de Grenelle, 75015 Paris.
ISBN : 978-2-01-203169-2
Les enquêtes d'Annika Bengtzon
Studio 6
Fondation Paradis
Meurtre en prime time
Deadline
PROLOGUE
La femme qui allait bientôt mourir franchit prudemment la porte et jeta un rapide coup d'œil dehors. La cage d'escalier derrière elle était dans l'obscurité, elle n'avait pas allumé en descendant. Son manteau clair flottait contre le bois sombre de la porte. Elle hésita avant de s'engager sur le trottoir, comme pour vérifier qu'elle n'était pas observée. Elle respira à fond deux ou trois fois et, pendant quelques secondes, son haleine blanche forma une sorte d'auréole. Puis elle rajusta la lanière de son sac sur son épaule et serra plus fermement la poignée de sa serviette. Elle redressa la tête. Enfin elle se mit en route d'un pas souple et feutré en direction de la rue Götgatan. Il faisait un froid âpre, un vent glacé traversait ses collants fins. Pour contourner une flaque d'eau gelée, elle se retrouva un instant en équilibre sur le bord du trottoir. Mais elle se reprit avec vivacité et, tournant le dos au réverbère, plongea dans l'obscurité. Le froid et le noir assourdissaient les bruits de la nuit : le bourdonnement d'un système de ventilation, les cris de quelques jeunes éméchés, une sirène au loin.
La femme marchait vite, d'un air décidé, avec assurance. Elle sentait le parfum de luxe. Lorsque son téléphone portable sonna tout à coup, elle demeura perplexe. Elle se figea au milieu d'une enjambée, regarda rapidement autour d'elle. Puis elle se baissa, appuya sa serviette contre sa jambe droite et se mit à chercher dans son sac. Tous ses gestes exprimaient l'irritation et l'incertitude. Elle sortit son portable et le colla à son oreille. En dépit de l'obscurité, pour quiconque l'aurait observée, ses réactions étaient claires : la contrariété d'abord, l'étonnement, puis la colère et finalement la peur.
Quand la conversation fut terminée, la femme resta debout quelques secondes, téléphone en main. Elle pencha la tête et eut l'air de réfléchir. Une voiture de police passa lentement à côté d'elle. La femme, dans l'expectative, la suivit du regard. Sans rien faire pour l'arrêter.
Elle avait manifestement pris une décision. Elle rebroussa chemin, dépassa la porte en bois sombre et atteignit le passage pour piétons au croisement de la rue Katarina-Bangatan. Elle vit arriver un bus de nuit, releva la tête, suivit la rue des yeux jusqu'à la place Vintertullstorget et le long du canal de Sickla. Au-delà s'élevait le grand stade olympique, le stade Victoria où dans sept mois se déroulerait l'ouverture des J.O. d'été.
Le bus passa, la femme traversa le boulevard Ringvägen et prit la rue Katarina-Bangatan. Son visage était inexpressif, seule sa hâte indiquait qu'elle avait froid. Elle franchit la passerelle au-dessus du canal de Hammarby et arriva dans le secteur olympique par le village des médias. D'un pas maintenant saccadé, elle se dépêcha de continuer en direction du stade. Elle choisit le chemin au bord de l'eau, bien qu'il soit plus long et plus froid, le vent qui venait de Saltsjön était glacial. Mais on ne devait pas la voir. Dans l'obscurité trop dense, elle trébucha plusieurs fois.
Après la poste et la pharmacie, elle tourna vers le terrain d'entraînement et fit presque en courant la dernière centaine de mètres qui la séparait du stade. Une fois parvenue à l'entrée principale, elle était essoufflée et furieuse. Elle poussa la porte et se faufila dans le noir.
— Dites-moi ce que vous voulez, mais dépêchez-vous, dit-elle en dévisageant froidement la personne qui sortit de l'ombre.
Elle vit l'autre soulever un marteau mais n'eut pas même le temps d'avoir peur.
Le premier coup l'atteignit à l'œil gauche.
EXISTENCE
Juste de l'autre côté de la clôture, il y avait une énorme fourmilière. Quand j'étais enfant, je passais de longs moments à l'observer, de si près que les fourmis me montaient sans arrêt sur les jambes. Parfois je suivais des yeux le trajet de l'une d'elles : elle quittait l'herbe de la cour, partait sur les graviers du chemin et montait le talus sablonneux. Là je faisais de gros efforts pour ne pas la perdre de vue, mais je n'y parvenais jamais. D'autres attiraient mon regard. Lorsqu'il y en avait trop, mon attention était difficile à soutenir et je perdais patience.
Il m'arrivait de mettre un morceau de sucre sur la fourmilière. Les fourmis raffolaient de ce cadeau, et je riais de les voir se jeter dessus et l'entraîner dans les profondeurs. À l'automne, quand il commençait à faire froid et que leur activité ralentissait, je fourrageais avec un bâton dans la fourmilière pour les activer. Les adultes se mettaient en colère en voyant ce que je faisais : je sabotais le travail des fourmis, je détruisais leur demeure. Aujourd'hui encore, je me rappelle le sentiment d'injustice qui était le mien alors, je ne leur voulais pas de mal, je ne faisais cela que pour m'amuser, je voulais accélérer un peu le rythme de leur petite vie.
Puis le jeu avec les fourmis a commencé peu à peu à hanter mes rêves. Ma fascination pour les insectes s'est transformée en une peur indicible face à leur nombre, au point que maintenant je ne supporte pas d'en voir plus de trois à la fois, quelle qu'en soit l'espèce. Au-delà, la panique me saisit. Cette phobie est apparue au moment où j'ai fait le parallèle entre moi et ces petites bêtes.
J'étais jeune et je ne cessais de m'interroger sur le sens de mon existence, j'échafaudais des tas de théories que j'opposais dans divers contextes. Que la vie ne soit qu'une fantaisie, ma conception du monde m'interdisait de le penser. Quelque chose avait présidé à ma création. Je n'avais aucune idée de ce que cela pouvait être : le hasard, le destin, l'évolution, voire Dieu.
Que la vie soit dépourvue de sens, en revanche, je trouvais cela vraisemblable, d'où ma tristesse et ma colère. Ainsi quelqu'un nous avait placés là pour nous étudier, pendant que nous étions en train de guerroyer, de grouiller, de souffrir et de lutter. De temps à autre, ce quelqu'un distribuait des récompenses au hasard, un peu à l'image des morceaux de sucre jetés dans une fourmilière, observait notre joie avec ironie, et notre désespoir avec la même froideur désintéressée.
La confiance est venue avec les années. J'ai finalement compris que la question du sens est sans importance. Si, d'aventure, ma vie en avait un. Et il n'est pas dit que je doive en avoir conscience ici et maintenant. De toute façon, soit les réponses existent, auquel cas je les connaîtrais déjà, soit elles n'existent pas, et alors à quoi bon y penser ?
Cette attitude m'a apporté une certaine forme de paix.
Samedi 18 décembre
Le bruit lui parvint au plus profond d'un étrange rêve sexuel. Annika était allongée sur une civière de verre dans un vaisseau spatial, Thomas était sur elle et en elle. Trois directeurs des programmes de l'émission de radio Studio Six se tenaient au pied du lit et les regardaient d'un air impassible. Elle avait une énorme envie de faire pipi.
— Tu ne peux pas aller aux waters maintenant, on est partis dans l'espace, dit Thomas.
Elle regarda par la vitre panoramique et vit qu'il avait raison.
D'autres signaux déchirèrent le cosmos et la laissèrent en sueur et assoiffée.
— Décroche, bon sang, avant que tout le monde soit réveillé ! grogna Thomas, la bouche contre l'oreiller.
Elle tourna la tête et le réveil accrocha son regard : 3 h 22. L'excitation disparut d'un coup. D'un bras lourd, elle atteignit le téléphone posé par terre. C'était Jansson, le rédacteur en chef.
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