Les jeunes mortes

Selva Almada

Anne-Marie Métailié

  • Conseillé par
    13 décembre 2015

    Jeunes, jolies, pauvres et disparues

    Dans les années 80, en Argentine, le meurtre d’une jeune femme constituait une affaire traitée par la police avec à peu près autant d’attention que s’il s’agissait d’un simple vol de vélo. C’est ce qui ressort de l’enquête menée par Selva Almada. Cet auteure, qui vit à Buenos Aires et dont le premier roman, « Après l’orage », a été traduit en français l’an dernier, s’est en effet penchée sur trois faits divers vieux de trente ans, restés non élucidés à ce jour. Et ce qu’elle raconte laisse songeur.

    Andrea a été poignardée dans son lit. Le corps de Maria Luisa a été découvert dans un terrain vague. Sarita, quant à elle, a tout simplement disparu. Un cadavre de femme a bien été trouvé peu après, ce qui a permis dans un premier temps de classer l’affaire. En fait ce n’était pas le sien, on n’a même jamais su son identité. Mais on n’a pas plus recherché Sarita.

    Toutes trois étaient jeunes, jolies, et vivaient dans un milieu populaire, voire très pauvre.

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  • Conseillé par
    30 octobre 2015

    Récit glaçant qui met en lumière les violences contre les femmes en Argentine. Elles sont courantes, nombreuses et souvent impunies. Des menaces aux coups en passant par les viols et les meurtres, les corps des femmes argentines ne sont pas respectés par les hommes : plus de 1800 meurtres depuis 2008 ! Et lorsque l'on parle de femmes, il faut entendre jeunes femmes, dès 12/13 ans, elles sont embêtées, harcelées. Les victimes sont pauvres, des hommes riches aux puissants soutiens en profitent en toute impunité.

    Mais les jeunes femmes peuvent aussi être victimes de viols de la part d'un vieil oncle ou d'un cousin libidineux et/ou alcoolisé et désinhibé. La jalousie des hommes est totalement incompréhensible, ils peuvent passer à des actes violents parce que leur amie porte des tenues qu'ils jugent sexy, mais dans le même temps regarder avec insistance voire pire une autre fille habillée de la même manière et qui aura sans doute elle-même subi les foudres de son ami ou qui aura la chance d'en avoir un plus compréhensif : "Cachito était jaloux et il insultait sa petite amie à tout bout de champ, parce qu'elle se maquillait, parce qu'elle portait des vêtements moulants ou alors parce qu'il l'avait vue parler à un autre garçon." (p.45) Tout cela est tu, reste dans les maisons, ne s'ébruite pas, même si les parents parlent à leurs filles et leurs disent de se méfier. Néanmoins, tout se sait ou se devine : les viols domestiques, la protection financière d'une famille parce qu'un vieil argenté se tape l'une des filles, puis sa sœur plus jeune lorsque la grande aura passé la vingtaine, la prostitution pour subvenir aux besoins de la famille, les filles enceintes dès 14 ans, ...

    Ce livre est terrible, je disais glaçant au début de ma recension, parce qu'en plus de parler de féminicide, l'auteure use d'un style froid, implacable. C'est un vrai travail de journaliste, un rapport clinique qui ne laisse pas respirer et qui enfonce le couteau bien profondément dans la plaie qu'est la violence contre les femmes en Argentine (et que l'on pourrait étendre de manière très large). Néanmoins, j'ai trouvé également ce récit un peu décousu : on passe d'une des trois jeunes filles mortes à une autre, puis à l'histoire de l'auteure, puis à d'autres jeunes filles agressées, puis à la voyante, ... c'est un peu difficile à suivre. Il faut s'accrocher tant pour le fond que pour la forme, mais c'est un livre qui laisse des traces.