Prends garde à toi

Fanny Chiarello

École des Loisirs

  • 23 août 2020

    Prends garde à toi de Fanny Chiarello est dans ma bibliothèque depuis plusieurs années. Comme je passe cette fin d'été à arpenter les publications de L'école des loisirs, j'ai fait la connaissance de Louise. Préadolescente en classe de cinquième, Louise se doit d'être parfaite pour être aimée. C'est simple, selon elle, il faut être brillante en tout. Consciente de sa différence, elle ne rêve pas de se fondre dans la masse, ni d'adopter les loisirs de ses pairs. Son domaine ce sont les bibliothèques et les librairies, voilà qui pourrait la rendre attachante. Sauf qu'à force de vouloir être la meilleure en tout, on peut vite devenir une personne imbuvable. Sa classe de cinquième B est sélectionnée pour monter Carmen, l'opéra de Bizet. Qui aura le premier rôle ? Aucun doute pour Louise. Mais Manon, la nouvelle élève, plutôt humble et vraie, n'a pas besoin d'être parfaite pour être aimée. Fanny Chiarello montre le chemin à parcourir pour accepter les choses de la vie, même si elles peuvent sembler injustes. C'est un roman que j'aimerais partager avec les enfants pour apprendre l'humilité. L'autrice aborde brillamment le sujet de la peur des autres et des persiflages en cour de récré. La complexité des personnalités montre à quel point l'enfant se doit d'être exemplaire pour mériter sa place en société. Les travers de l'élitisme sont judicieusement soulignés et la coopération prend petit à petit la juste place.
    Merci à Bauchette.⭐️

    Sur le blog de Fanny Chiarello, on peut lire: « Je vous ai dit qu’un roman naissait à la convergence de diverses lignes thématiques, de divers motifs. Au départ, les personnages sont des concepts qui doivent servir ce projet. Mais bien sûr, ces bonhommes-bâtons doivent s’étoffer, s’incarner. Il doivent être crédibles, ce qui signifie qu’ils finissent toujours par se dérober à notre volonté. Parfois, on aimerait faire d’eux les dépositaires de nos causes, de nos colères, de nos peines, on aimerait tout miser sur eux, faire d’eux nos porte-parole, dans l’urgence de ce que nous, les metteurs en scène de leur expérience, avons envie de brandir. Mais ce n’est plus possible, parce que les personnages ont déjà acquis une cohérence et que nos nouvelles velléités ne sont pas compatibles avec ce que nous avons fait d’eux. Ils sont devenus indépendants de nous. Non pas autonomes, ce n’est pas un processus magique, mais affranchis de nos caprices. »

    « J’incite mes lecteurs à casser la petite case qui leur a été impartie dès avant la naissance, dessinée par les déterminismes de classe, de genre, de géographie, à inventer ce qu’ils désirent être sans laisser quiconque en décider à leur place. Je les invite à refuser le conditionnement. Il y a de la place dans les marges, et l’on y est plus à l’aise que dans les cadres préfabriqués, chargés comme des casiers de ruche. Au lycée, je souffrais de me sentir différente, décalée, je ne comprenais pas que cette différence pouvait devenir une force et que, du moins, elle présente une forme de beauté. Parfois, un livre m’aidait à me sentir un peu moins seule, ou une musique, un film ; j’ai appris à considérer les œuvres comme de potentielles amies. J’espère que des jeunes gens aussi inadaptés que je l’ai été se sentent moins seuls, un moment, en lisant les livres que je leur destine. »