Argonne

Stéphane Émond

Table Ronde

  • Conseillé par (Au moulin des Lettres)
    18 août 2022

    Partir sur les traces de l'exode et relier le passé et le présent...

    Au milieu des piles de romans de la rentrée littéraire, on trouve toujours des récits, des textes de moindre ampleur par leur nombre limité de pages mais qui sauront nous toucher au cœur tout autant. "Argonne" est un de ceux-là.
    Très court - 121 pages- il n'en est pas moins dense pour autant.
    Son auteur, dont la famille est originaire d'un village de l'Aube et qui a lui-même quitté cette région depuis bien longtemps, va traverser la France pour remettre ses pas dans ceux de ses
    grands-parents et de son père, obligés de fuir la contrée un certain mois de juin 1940. L'Argonne sera donc le terrain d'investigation de Stéphane Émond, entre passé et présent, les fils de la mémoire et de l'épopée familiale faisant les liens entre 2 époques, entre 3 générations.
    Relevant minutieusement les étapes de l'exode vécu de façon dramatique par sa famille, l'auteur nous convie à partager son journal de bord et à reparcourir cette route jonchée de nuits en plein air, d'entraide, d'épuisement, de peur, d'attaques aériennes funestes et c'est dans une très belle langue qu'il le fait, sobre mais parsemée de comparaisons poétiques et originales qui donnent toute sa saveur à ce très beau texte.


  • Conseillé par (Librairie La Grande Ourse)
    24 septembre 2022

    TENDRE ET DOUX COMME LE SOUVENIR

    Argonne: c’est une région de France située à l’est du bassin parisien qui côtoie les départements de la Marne, de la Meuse, des Ardennes. C’est surtout une région associée à la guerre, celle d’Attila et de la révolution française, celle de 14-18 comme de la seconde guerre mondiale. Lieux de combats féroces près de Verdun, lieux éphémères de fuites et d’exode en 1940. C’est au cours de cet exode que Stéphane Emond a perdu sa grand mère abattue par la mitraille d’un avion allemand. Quatre vingts ans plus tard, il retourne sur les lieux familiers et familiaux du drame et égrène alors au cours de son voyage des villes ou des lieux-dits comme les perles d’un chapelet: Passavant en Argonne, Vendeuvre sur Barse, Bissey la Pierre ou encore Bar sur Seine. Des noms comme des moments de mémoire, des noms susceptibles de faire resurgir des silhouettes aperçues sur une photo d’époque, de faire reculer le temps. Et de dire la douleur d’un homme qui a perdu sa mère puis sa soeur sous ses yeux et choisi le silence

    En voiture, de petites étapes en petites étapes, l’auteur refait ce parcours de l’exode et recherche des murs, des portes, qui renvoient à une période pas si éloignée où les fils fabriquaient eux mêmes les cercueils de leurs pères et où la fine alliance du défunt offerte au petit fils devinait un témoin de passage.

    « L’alliance (…) me montrait une route, j’attendis trente ans avant de l’emprunter. Elle passait par les caves, les cimetières, les chemins forestiers, les scieries et les ateliers de menuiserie ».

    On suit alors discrètement le voyageur, notre oeil au dessus de son épaule. On rentre dans des maisons silencieuses porteuses d’histoires qui demeureront à jamais inconnues, on aperçoit le propriétaire de dos, on le laisse à ses souvenirs, et on sort comme on est rentré: discrètement, sur la pointe des pieds. Sur la pointe des mots.

    Stéphane Emond ne nous propose pas une enquête, une reconstitution des faits, même si il essaie à travers les rares documents écrits en sa possession de revivre ces instants dramatiques. Il nous convie plutôt à un pèlerinage laïc où les calvaires sont des étangs, des rivières, des arbres sous la pluie. Tous ces endroits qui nous constituent à notre insu, ces lieux de notre enfance inséparables de nos vies.

    Au fil des pages, on comprend peu à peu le changement de civilisation qui s’est déroulé en quelques décennies, on saisit le temps qui a passé.

    « Argonne » est un petit livre que l’on a envie de garder dans sa poche et d’en lire quelques pages, au hasard, en marchant le long d’un chemin d’Argonne ou d’ailleurs.