Clara

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Une lectrice sans prétention, amoureuse de la vie qui habite au bout du monde (ou presque). Et un blog pour parler lectures : http://claraetlesmots.blogspot.fr

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26 avril 2019

Il n'est nul besoin de se replonger dans le célèbre livre d'Agatha Christie avant d'entamer cette lecture. Pierre Bayard nous rafraîchit la mémoire avec l'ensemble des protagonistes soit les dix personnes présentes sur l'île qui toutes, sans exception, vont trouver la mort. La question qui taraude le lecteur est forcément de savoir qui a pu commettre ces meurtres. Dans les toutes dernières pages, Agatha Christie nous livre la réponse alors que la police s'est cassée le nez sur cette affaire apparemment insoluble.
Pierre Bayard reprend toute la mécanique sur laquelle repose "Dix petits nègres" en faisant intervenir un narrateur inattendu. J'ai nommé le coupable car oui celui qui s'est fait voler la vedette relate ce qui s'est passé. Agatha Christie se serait-elle trompée sur l'identité du coupable? Aurait-on avalé les explications fournies sans broncher alors que la vérité est toute autre ?

Non seulement, on est tenu en haleine car bien entendu le coupable ne sera connu qu'à la fin mais surtout le cheminement entrepris est passionnant. Sans rien modifier au déroulement de l'histoire, certains points mis en lumière nous permettent d'avoir un autre angle de vue et de raisonner différemment. On se glisse dans la peau d'un Sherlock Holmes, on se mord la langue de n'avoir pas vu certaines failles (mais oui, mince !) et on explore de nouvelles hypothèses. Avec de nombreux exemples notamment sur les illusions d'optique, l'auteur démontre ses raisonnements et propose au lecteur de participer à des petits tests.

Sans rien n'enlever au charme des "Dix petits nègres", cet essai fort réjouissant est instructif. Même si j'ai un petit bémol pour une des explications concernant l'identité du meurtrier, j'ai beaucoup, beaucoup aimé.
https://claraetlesmots.blogspot.com/2019/04/pierre-bayard-la-verite-sur-dix-petits.html

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23 avril 2019

Tippi Mayer est découverte morte dans sa voiture au fond d’un ravin en Californie.Un virage mal négocié sous l’emprise de l’l’alcool et/ou de la vitesse. En somme rien d’étonnant. Sur place, l’inspecteur Costa, l’assureur Kowalski et le défunt mari Salvatore observent la scène. L’enquête pourrait être bouclée très vite mais avec ses faux airs de Columbo, l’inspecteur Costa pose des questions. Pourquoi Tippi était-elle partie de chez à cinq heures du matin ? Pourquoi l’assureur était-il déjà sur place ? Et comme le célèbre lieutenant, il y a souvent un petit détail qui l’intrigue.

Le mari de Tippi, sympathique aux yeux du lecteur, collabore. Et il veut que la vérité soit faite d’autant plus que son beau-père lui reproche de n’avoir pas été un bon époux. On en viendrait presque à le plaindre car certains éléments semblent malheureusement contre lui comme si s'il n'avait pas de chance. Qui dit vrai et qui ment ? Qui manipule qui ? On sait très bien que l‘accident n’en est pas un et tout le plaisir est de se faire mener ou presque par le bout du nez. Avec une intrigue et une histoire pourrait-on dire moult fois déjà exploitées (une riche épouse, un amant, un couple qui bat de l’aile, un beau-père qui régente tout et une voisine curieuse), Yves Ravey se joue de nous.

C’est noir et délicieusement savoureux. Alors oui, la fin est sans aucune surprise et alors ? Peu importe à vrai dire car tout l’intérêt ce livre est dans l’écriture épurée au cordeau et dans l'ambiance installée. Même si tout semble couru d'avance, l’auteur laisse planer des doutes, il instaure savamment une tension et glisse ici et là des pics d’humour noir voire décalés. Ce roman se lit comme un page-tuner où l'on savoure la minutie, la précision de l'écriture avec le sourire aux lèvres. Une petite friandise dévorée qui m’a beaucoup fait penser à "Viviane Elisabeth Fauville" de Julia Deck .
https://claraetlesmots.blogspot.com/2019/04/yves-ravey-pas-dupe.html

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12 avril 2019

Alors qu'il est Chine à superviser un chantier, Dani apprend la mort accidentelle de son fils âgé de sept ans. Immédiatement, il rentre en France où l'attend sa femme Nora et leurs proches. Entre la douleur, les remords et la colère, il se tient à distance. Présent physiquement mais absent par ses pensées, il laisse sa femme tout gérer. Chacun dans le couple affronte cette épreuve différemment.
Nora voudrait aller de l'avant et s'active à trier les affaires de leur fils tandis que Dani n'accepte pas la mort de son enfant. Dani voit son fils lui apparaître de façon surnaturelle. Son fils qui lui parle et uniquement à lui. Il décide d'offrir à son fils des vacances rien qu'à eux deux en Bretagne.

Je pense qu'écrire sur la mort accidentelle d'un enfant est sûrement un choix réfléchi pour l'auteur. Voire cathartique ou salvateur ou libérateur tant le sujet est délicat. Et il faut croire que ce livre n'était pas pour moi car j'ai été terriblement mal l'aise et j'ai ressenti une vague d'incompréhension face aux réactions de ses parents. Sans vouloir les juger car je suis bien incapable d'imaginer ce que c'est et d'ailleurs car c'est un blocage absolu de ma part. Voilà mais j'ai été suffisamment gênée. Très et trop gênée.
Et surtout j'ai eu la sensation d'être témoin d'une histoire quelquefois un peu maladroite qui cherche sans la trouver une certaine distance qui m'aurait permise de ne pas me sentir voyeuriste avec la gâchette pointée sur le cœur en permanence.

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10 avril 2019

Rome, 2010. Ilaria la quarantaine voit débarquer chez elle un migrant qui prétend être son neveu. Comme tant d'autres, le jeune homme a fui l’Ethiopie pour l'Italie. Surprise et déconcertée, elle ne sait comment réagir. La carte d’identité du jeune homme indique bien qu’il porte son nom Profeti mais également le prénom de son père Attilio. Ce dernier, séducteur et charmeur, avait mené une double existence à Rome jonglant avec le foyer légal et celui de sa maîtresse. Désormais âgé de quatre-vingt-quinze ans, il n'a plus toute sa tête. Serait-il possible que la fratrie des quatre enfants soit incomplète et que son père ait un fils en Ethiopie ?

Tout comme ses frères, elle ne connaît que la version édulcorée du séjour de son père dans ce pays avant la Seconde Guerre mondiale.
En grattant de vernis de l'histoire paternelle, Ilaria remonte le cours de l’Histoire de l’Italie avec un pan souvent méconnu et la colonisation de l’Ethiopie. Qui est vraiment son père ? Et qui croire ?
L’auteure aurait pu se contenter de nous raconter la quête d’Ilaria mais elle nous offre un roman puzzle à la construction éclatée. Des massacres d'Addis Abeba en Ethiopie à l'Italie de Berlusconi, elle déploie les histoires personnelles liées à cette famille et les ancre dans la grande Histoire. On découvre tout comme Ilaria le passé moins lisse de son père.

Cette radiographie de l'Italie met la lumière sur des faits peu glorieux et horribles sous couvert de la colonisation mais également la corruption, les copinages pratiqués et la mise à nu de racines du fascisme. Sans une once de sensationnalisme, l'auteure nous expose les conditions de traversée des migrants et l'accueil qui leur est fait.

Contrairement à Plus haut que la mer et Eva dort où l’auteure faisait preuve d’un certain lyrisme, ici l’écriture ne prend de gants et elle a gagné en puissance.
Cette lecture prenante qui brasse l’histoire (avec des personnages pour certains bien réels) et cette famille a eu l’effet d’uppercut. On est bousculé, interloqué, poussé dans nos retranchements.

Sans se faire donneuse de leçons, Francesca Melandri signe un grand roman époustouflant, intelligent, instructif, creusé et pertinent. Une lecture indispensable, marquante où les liens souterrains, souvent effarants, entre passé et présent se dessinent.

https://claraetlesmots.blogspot.com/2019/04/francesca-melandri-tous-sauf-moi.html