• Conseillé par (Librairie Le Préau et la Cour des Grands)
    30 septembre 2023

    JULIE

    Wole Soyinka, premier écrivain noir à avoir reçu le prix Nobel de littérature en 1986 n’avait pas publié de roman depuis Une saison d’anomie en 1973. Autant vous le dire, ces Chroniques du pays des gens les plus heureux du monde, publié aux éditions du Seuil, sont l’un des événements de cette rentrée littéraire.
    "Le pays des gens les plus heureux du monde", c'est le Nigeria. Soyinka s’amuse ici d’une étude publiée en 2011, dans laquelle son pays figurait parmi les dix pays où l’on était le plus heureux. Ironie, donc, qu’il transpose dans un Nigeria fantasmé. Pour le meilleur et surtout pour le pire, car, si ce « Géant de l’Afrique » d'un point de vue démographique et économique dispose d’un ministère du Bonheur, il reste un pays gangréné de l’intérieur.
    Menka et Duyole Pitan-Payne sont amis. Ils sont les deux seuls rescapés d’un groupe de 4 idéalistes, formé sur les bancs de l'université. Menka a réalisé son rêve, il est devenu un médecin, et même une icône, pour avoir aidé les victimes de Boko Haram. Pitan-Payne, est un ingénieur prestigieux et s’apprête à s’envoler pour New York, où un poste l’attend aux Nations-Unies. Mais la découverte par Menka d'un trafic d’organes, savamment orchestré par une entreprise lucrative, va faire basculer le roman. Ces "chasseurs de viande humaine" profitent de la croyance encore très répandue selon laquelle les organes humains auraient des pouvoirs magiques… La satire devient politique car du premier ministre au chef religieux, tous ont les mains souillées.
    Roman-fleuve, peuplé de très nombreux personnages, ce roman offre au lecteur une hyperbole du Nigeria, et même peut-être de notre monde corrompu dans son entier. Magnifique exemple de l'importance de la littérature africaine, portée par une langue chargée, riche, très imagée, qui évoque si bien ce point de rupture, ce moment où le monde perd son humanité.