Delphine W.

Conseillé par
22 août 2018

Un livre choral de deux traits, deux voix dialoguant

"La Diagonale des jours", correspondance dessinée au long cours, s’ouvre sur un livre de voyageur, comme une lucarne transparente sur la plume déferlante du Pacifique de Jack Kerouac. À cette lettre du costarmoricain Tanguy Dohollau, célébrant la prose envoutée du « roi des Beatniks », répond le vol d’oiseaux du niçois Edmond Baudoin. En cette presque veille de Noël, ce danseur de pinceau a du noir à l’âme. Il évoque l’amère bleue, l’œil rivé sur l’horizon, celui des ombres, de L’Homme qui marche, de Nicolas de Staël aussi. Interrogeant ainsi le sang de notre Histoire, essence trop souvent oubliée d’un passé toujours présent ? De quelle couleur est la mer en ce mois de décembre 1992 ? Couleur rouge très-trop sang, mêlée de la naissance et de la mort des humains nous dit Edmond Baudoin. Images et maux de tous les suicidés des sociétés : ceux du « Prince foudroyé » qui donna chaire aux Mouettes en des aplats grisés puis sombrement bleutés, une de ses ultimes toiles ; ceux de tous les exilés, noyés en Méditerranée. Comme un écho contraire au vol d’oiseaux libres, cet horizon sans vie, Baudoin le fuit. Cette volte-face salvatrice donne le ton du livre, la mesure de la sensibilité de deux auteurs-dessinateurs, humanistes au présent. Elle rythmera dès lors leurs va-et-vient épistolaires, abolissant toutes les frontières incarnées ou invisibles, dénonçant la cruauté des hommes en guerre, célébrant la beauté des « livres phares », des enfants… de toutes ces fenêtres ouvertes, vivantes, chatoyantes. Peut-être - {sûrement} - la voie d’une espérance retrouvée ?
Cette diagonale est un livre choral de deux voix, de deux traits dialoguant, se racontant, résonnant l’un dans l’autre, raisonnant l’un avec l’autre. Deux égos ouverts dans la page et sur le monde, sur les Autres auxquels ils offrent un nouveau champ de possibles, celui du savoir-vivre-avec.
Aux lecteurs et lectrices d’en inventer la suite… Un vent d’utopie, subtilement distillé, irrigue ce livre d’amitié, concentré d’humanité. Espérons qu’il fleurisse les yeux et l’esprit de celles et ceux qui le liront. Pour qu’à leur tour, ils-elles essaiment… Car « toujours à l’horreur il est nécessaire d’y opposer la vie » .