Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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26 octobre 2016

Juan Diaz Canales est connu pour être le scénariste de l'excellente série-BD Blacksad. Cette fois-ci, il se met en plus au dessin et choisit un éditeur, Rue de Sèvres, qui depuis, quelques années qu'il est arrivé sur le marché, publie des albums très beaux, très réussis : Le château des étoiles, Le Horla, Le sculpteur, Au revoir là-haut, Frères de terroir, Une histoire d'hommes, Un bruit étrange et beau, entre autres...

Dessin noir et blanc qui fait la part belle aux personnages plus qu'aux décors ou aux paysages. Les vieux Espagnols sont dans la tourmente. Communistes, ils ont lutté contre la dictature de Franco et se retrouvent maintenant avec à peine de quoi vivre, parfois pas assez. Juan Diaz Canales parle de la société de son pays qui ne va pas très bien -qui n'est pas la seule. Il en parle à travers ceux qui ont été à l'origine de la fin de la dictature, ceux qui ont toujours lutté et doivent encore le faire lorsqu'ils sont âgés. Ses personnages sont profonds, et sans doute le choix du noir et blanc et le trait particulier de son dessin permettent de ressentir encore mieux cette profondeur. Ils se posent des questions sur divers sujets, sur la vie. Et l'on tient en main une bande dessinée à l'intrigue philosophico-policière originale -je dirais bien inédite, mais comme je n'ai pas tout lu, loin s'en faut, peut-être le sujet a-t-il déjà été abordé par le même biais.

Rue de Sèvres prouve une fois de plus que son choix est bon, excellent même. Je vous invite très vivement à découvrir cet ouvrage.

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26 octobre 2016

Finlande, 1981, Raphaël Juntunen monte dans le grand nord, pour cacher des lingots d'or et échapper à son complice bientôt libéré de prison. Mais même en cet endroit, il n'est pas tranquille. Le Major Remes qui veut prendre une année sabbatique et reprendre des études et éventuellement limiter sa consommation d'alcool et accessoirement s'éloigner de sa femme, l'y rejoint, car par hasard il a entendu parler de ce touriste, et par curiosité. Bientôt ils s'installent tous les deux dans une cabane de bucherons vide, et la vie s'organise.

Pour être complet, je dois préciser que cette bande dessinée est l'adaptation d'un roman d'Arto Paasilinna (traduit par sa traductrice quasi attitrée Anne Colin du Terrail), ce qui de fait d'elle une BD drôle, avec des personnages farfelus aux aventures folles. Les livres du romancier et donc cette BD fourmillent de trouvailles, de folie, de rebondissements et de personnages inattendus qui peuvent parfois arriver inopinément pour le plus grand bonheur du lecteur que je suis qui, je le confesse, serait un poil déçu si aucune de toutes ces surprises n'arrivait.

BD de la découverte de la relation amicale, de la mise en avant de la nature, du grand nord, de la neige, des traditions finlandaises, un peu secouées quand même par des trublions et les événements. 144 pages en bichromie, non pas noir et blanc, mais brun et blanc. Le trait est appuyé, net, un rien enfantin, ce qui rajoute une dose humoristique. Des passages franchement hilarants comme celui où Raphaël parle de son aversion pour le travail : "Je trouve les emplois honnêtes détestables. C'est humiliant de bosser pour quelqu'un qui vous paie, en plus. et puis, c'est fatigant. Les bourreaux de travail m'ont toujours fait pitié." (p.52). Et la suite du dialogue n'est pas mal non plus sur son manque totale de conscience : "Je peux voler n'importe quoi à n'importe qui sans aucun remords. Bien sûr, je ne volerais pas une petite vieille ou un clochard, mais c'est surtout parce qu'il n'y a rien à prendre." Ce qui rend ces propos encore plus drôles c'est l'espèce de candeur et d'honnêteté -si si- qui se dessine sur les traits de Raphaël à ce moment-là.

Excellent album à mettre entre toutes les mains. Franchement j'adore, l'histoire bien sûr, mais aussi le dessin et tout ce qui s'en dégage et quelle belle idée que d'adapter les romans fous d'Arto Paasilinna.

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26 octobre 2016

Je me dois ici de faire une confession : longtemps j'ai dit que je n'aimais pas Leo Perutz, car je n'avais pas réussi à lire "Le cavalier suédois". Eh bien me voilà bien puni -et quelle agréable punition- parce que La neige de saint Pierre est un roman captivant que je n'ai pas pu lâcher avant sa toute fin. Écrit en 1933, il distille une ambiance toute particulière qui joue sur le suspense, l'angoisse, la peur et l'opposition réalité/rêve, car on ne sait jamais trop si le héros est dans la réalité ou dans un rêve. Lui-même ne le sait pas.

Le récit est vif et possède le charme de l'écriture du début du vingtième siècle qui donne une sorte d'intemporalité. On ne retrouve que très peu dans l'écriture contemporaine ce style particulier et ce type de roman pourtant si agréable à lire. Beaucoup de références aux romanciers fantastiques du siècle précédant Leo Perutz : Jules Verne, Edgar Allan Poe entre autres (bon, je dis entre autres, parce que je n'en connais pas beaucoup, mais j'ai eu tout au long de ma lecture cette sensation de lire un roman des deux auteurs précités. Peut-être me trompé-je, mais je m'en fiche, c'est moi et moi seul qui ai eu cette sensation et moi et moi seul qui écrit sur ce blog, donc, je dis ce que je veux. Non mais...).

Bon, revenons à cet excellent roman de Leo Perutz, qui fut interdit en Allemagne, en pleine montée du nazisme. Le rater serait vraiment dommage, et Zulma a la bienheureuse idée de le rééditer en poche. J'avais envie de dire pas mal de trucs en plus sur la théorie développée à l'intérieur, mais je vais m'abstenir pour laisser à chacun d'entre vous le plaisir de la découverte (à ce propos, faites-moi confiance et ne lisez pas la quatrième de couverture).

Leo Perutz, en 1938, après l'annexion de l'Autriche s'exila à Tel-Aviv et cessera d'écrire jusqu'en 1953. Il meurt en 1957.

Promis, je ne dirai plus je n'aime pas Leo Perutz !

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26 octobre 2016

Roman d'aventures par excellence se situant dans des contrées lointaines que la France a administrées pendant longtemps comptant élargir ses territoires et profiter des richesses. "La France croit apporter la civilisation aux peuples barbares. Et ce maudit Jules Ferry est insatiable. La Tunisie, Madagascar, l'Indochine... Le Cambodge espérait être protégé. Mais la France veut contrôler ce pays au mépris de ses traditions." (p.12/13) Le choc des cultures est alors inévitable, les Français se comportant en terrain conquis et ne respectant pas les habitants. que dire aussi des missionnaires et de sœurs, qui s'ils ont fait beaucoup pour les enfants abandonnés ont aussi imposé leur religion aux autochtones.

Roman sur fond de guerre contre l'envahisseur mais aussi entre les frères qui veulent régner : Norodom, le roi en place et ses deux frères, Sisowath, plutôt favorable aux Français et Si Votha qui les combat farouchement. Le contexte est donc une réalité dans laquelle Loïc Barrière fait naître ses personnages. Tevy devient vite l'héroïne principale, la jeune femme à la double culture fait le lien entre tous les autres. Sa beauté attire le regard des hommes et leur désir parfois brut de la connaître plus intimement. Elle aura fort à faire pour garder son innocence. Chamrœun, dont elle est secrètement éprise veille sur elle.

La balade dans la forêt cambodgienne est belle pour le lecteur, moins agréable pour la troupe, entre les tigres, les serpents et les rebelles de Si Votha. Beaucoup de descriptions de la flore et des lieux qui n'alourdissent pas le roman qui avance lentement au rythme des marcheurs. Puis, l'Histoire s'emballera un peu, le conflit latent débutant et faisant fi comme d'habitude, des individualités. Tous les Cambodgiens doivent se situer dans un camp ou dans l'autre.

L'histoire est belle, elle peut emprunter aux croyances locales, à la réincarnation, aux esprits, ce qui lui confère une touche surréaliste bienvenue et finalement salutaire dans la réalité violente. Loïc Barrière sait nous mener avec grand intérêt au cœur d'une période et d'un pays assez méconnus qui nous incitera à en savoir un peu plus et faire des recherches sur le Cambodge historique et l'actuel pourquoi pas, si l'envie nous prend.

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26 octobre 2016

Le magazine dBD existe depuis dix ans. Il parle de bande dessinée et Vuillemin y dessine sa vision de la BD. Ce livre regroupe ses dessins, une compilation quoi.

Vuillemin, c'est l'opposé d'Hergé, lui, c'est comme Reiser et d'autres, la ligne crade, c'est lui-même qui s'est défini ainsi. Tous les dessinateurs, scénaristes du moment en prennent pour leur grade. Il vaut mieux connaître un peu la bande dessinée pour apprécier les dessins de Vuillemin, car ils y font référence. Il est vache, méchant, sale, scatologique, mais il a une excuse, il a dessiné dans L'écho des savanes et Hara-kiri entre autres. En 1995, Vuillemin obtient le Grand Prix du festival d'Angoulème et en 2015, il rejoint Charlie Hebdo.

A la lecture de de recueil, vous rirez, sourirez, comprendrez ou pas la vacherie. Personnellement, ce n'est pas le dessin dont je suis le plus fan, mais ce que j'aime bien c'est que Vuillemin ne respecte rien ni personne. Ni les gros vendeurs de BD (Zep et son Titeuf, ni Lucky Luke ou Tintin), ni ceux qui représentent une BD différente comme Tardi ou Hugo Pratt. Il est moins méchant avec certains auteurs qu'avec d'autres, mais j'imagine qu'il a comme tout le monde ses préférences ou qu'il suit le fameux adage : "Qui aime bien châtie bien."

Toujours est-il que si vous aimez la bande dessinée et que vous aimez les vacheries et l'humour de Vuillemin, ce recueil est pour vous. De la pure régression, de l'humour au ras des pâquerettes, "C'est bon de rire, parfois", comme disaient Les Nuls.