La Grande Ourse *.

Le Livre de poche

7,90
Conseillé par (Librairie La Grande Ourse)
27 mars 2020

Livre culte !

A la mort de son père , Iza sa fille unique , médecin réputée , décide de s'occuper de sa mère . Elle organise tout , l'extirpe de son village où elle avait ses habitudes pour l'emmener chez elle à Budapest .
La vieille dame se retrouve complètement désorientée et totalement soumise aux décisions de sa fille qu'elle craint de chagriner en refusant tout ce qu'elle fait pour elle .
Il y a beaucoup d'amour entre ces deux femmes mais une absence de dialogue . Heureusement , l'ex conjoint d'Iza , resté très proche de ses beaux-parents va intervenir.
Ce roman paru en 2005 est émouvant , sensible . il évoque les relations familiales , le deuil , l'importance de savoir communiquer , de se sentir utile , de trouver des raisons de vivre. Il ne peut que nous interpeller face à notre propre histoire .
Magda Szabo , (1917-2007 ) est une des écrivaines hongroises les plus traduites dans le monde ; elle était également poétesse, dramaturge , essayiste , docteure en philologie et traductrice hongroise. Elle a été résistante au régime communiste de son pays .
son roman " La porte " écrit en 1987 , prix Femina étranger en 2003 , me l'a fait découvrir.

Marie.

Conseillé par (Librairie La Grande Ourse)
26 mars 2020

"Miroir de nos peines" et de nos joies

Avec « Miroir de nos peines » Pierre Lemaitre achève sa trilogie de l’entre deux guerres. Un roman foisonnant sur les routes de l’exode. Un bonheur exceptionnel de lecture.

L’eau coule de manière limpide des montagnes. L’écriture de Pierre Lemaitre suit le même chemin. Ou c’est tout comme. A sa manière, l’écrivain nous met au sommet d’une montagne et nous fait dévaler la pente au rythme de ses mots, de ses phrases, à une vitesse vertigineuse mais il nous emmène avec lui, où il veut, comme il veut, pour notre plus grand bonheur. Arrivés en bas, lecteurs, on se regarde tous, le regard lumineux, heureux d’avoir profité ensemble de la dernière goutte d’eau, ou plutôt du dernier mot, de la dernière phrase, avec l’envie de recommencer. Pierre Lemaitre est avant tout un formidable conteur, celui qu’on aimerait écouter le soir à la veillée. Plus personne ne l’ignore désormais, lui qui avec son prix Goncourt pour « Au revoir là-haut » explosa les ventes de romans. Il avait annoncé alors que ce roman primé était le premier opus d’une trilogie de l’entre deux guerres et il tient parole en clôturant ce troisième épisode concentré du 6 avril 1940 au 13 juin 1940.

Pour débuter un bon roman il faut une belle entrée en matière et en faisant déambuler une femme nue ensanglantée dans les rues de Paris, tenant des propos incohérents, le conteur attire de suite l’attention. Mais un bon début ne suffit pas. Il faut tenir la distance, on dit même « tenir la route »: alors ce sera celle de l’exode, celle des populations quittant la capitale où les allemands arrivent, pour Orléans, la Loire, lieux mythiques, barrières psychologiques, où tous en sont persuadés, la guerre s’arrêtera. Parmi ces femmes et ces hommes, qui emportent un buffet Henri IV sur une charrette à bras ou des matelas invariablement posés sur le toit de véhicules en quête de carburant, roulent crapahutent nos personnages découverts à Paris, avant le grand départ. Il y’ a Louise, la jeune femme nue du début, qui va découvrir les secrets de sa mère. Il y’a Désiré , un jour chirurgien, un jour membre de la cellule ministérielle de l’Information, un jour curé. Et puis, Raoul, infect et attachant. Et Jules, un cafetier, réactionnaire aux charentaises usés mais empli d’amour. Et Gabriel, sous officier un peu coincé mais tellement humain. Et Alice et Fernand, brutalement richissimes. Des portraits formidables de personnes dont les destins vont se croiser et se conclure sur ces routes où les avions allemands pilonnent ces fleuves de civils à la dérive. Destins d’individus entremêlés avec la grande Histoire, Pierre Lemaitre s’appuyant sur une solide documentation, entrecroise ainsi des faits réels étonnants et souvent méconnus aux méandres de sa propre imagination.

Rarement, on a eu autant envie de tourner les pages pour connaître la suite, à la manière de ses feuilletons quotidiens, qui vous font attendre le lendemain avec impatience. Dans des circonstances historiques dramatiques, la plume se fait souvent plus légère, plus tendre et plus humoristique qu’au cours des deux précédents tomes. C’est qu’on les voit ces personnages, on les a devant nos yeux et on imagine facilement leur concrétisation sur grand écran ou sur une page blanche dessinée. Mais il faudra du talent au réalisateur ou au dessinateur pour rendre cette dimension humaine et ne pas trahir ces personnages, même si l’on se dit que Pascal Rabate avec sa Bd « La déconfiture » a déjà, sans le savoir, bien défriché le sujet.
Sans dessin, Pierre Lemaitre nous montre, dans des pages magnifiques, ces colonnes perdues sur les routes, ces vies en parenthèses, guettant le ciel et ses dangers, ces personnages secondaires, qui le temps de quelques secondes, de quelques lignes, transforment peur immédiate en moments d’histoire. Générosité, turpitude, lâcheté, dans ces moments uniques surgissent toutes les facettes de l’âme humaine, ni totalement noire, ni totalement blanche mais entourée cette fois ci d’un humour salvateur.

Et Pierre Lemaitre sait narrer, inventer. Il sait même nous demander de nous éloigner pour laisser Alice et Raoul se rencontrer car comme il l’écrit « nous connaissons l’histoire », et c’est un formidable privilège.

Le lecteur n’a pas envie que cela s’arrête. Jamais. Illusion que Pierre Lemaitre interrompt sous forme d’un épilogue où il brosse à grands traits le futur de ses personnages. Son talent est tel qu’en quelques lignes il trace dix, vingt ans ou plus, de vies dont on aimerait qu’il nous en raconte le détail. Jules, par exemple, Jules ce gros monsieur à la grosse moustache, au gros ventre, au gros coeur, dîtes nous Pierre Lemaitre, il va …. Je vous en prie, racontez nous, la suite.

Eric

Conseillé par (Librairie La Grande Ourse)
22 mars 2020

« Le pays des autres » qui est aussi le nôtre

Comme Alice Zeniter, qui avec le remarquable « L’art de perdre » revenait sur l’histoire algérienne familiale, Leila Slimani, l’autrice d’ »Une chanson douce », née à Meknès, entame, dans ce premier opus d’une trilogie, l’histoire largement biographique de sa grand-mère Mathilde.

C’est la seconde guerre mondiale qui amena Mathilde, cette jeune alsacienne de dix neuf ans, à se retrouver près de Meknès, sur des hectares de pierre, de rocaille, qui vont devenir le lieu de sa vie. Elle a rencontré Amine, officier de spahis dans l’armée française, en est tombée amoureuse, l’a épousé, et l’a suivi de retour dans son pays. A l’image des paysages désertiques, que des colons français parviennent à exploiter, utilisant la main d’oeuvre locale, les débuts du roman sont un peu austères, les personnages errants et mutiques. La description minutieuse de la vie quotidienne de Mathilde dans un univers, qui lui est de plus en plus étranger, ralentit le rythme du récit. Mais, peu à peu, au fil des pages, Leila Slimani nous emmène avec elle à leur suite, nous invite à partager leurs souffrances, leurs aspirations. Elle déploie pour cela deux qualités majeures: l’empathie, l’absence totale de jugement.

Ils prennent de l’épaisseur ces personnages au fur et mesure des évènements qui, même éloignés de la ferme d’Amine, sourd au bruissement de la révolte qui gronde, pénètrent peu à peu sur les hectares des champs d’olivier ou de tournesols brûlés. L’opposition brutale et frontale entre deux cultures, deux Dieux, deux pensées différentes, broie le quotidien et l’amour originel. Progressivement se dessine une incompréhension réciproque de deux époux, enfermés dans leur propre histoire, leur propre passé. Amine est rongé par sa volonté d’aimer librement Mathilde, un amour entravé par la nécessité de maintenir la tradition sacrée qui fait de lui, pense t’il, un homme. Mathilde, dont le mal être croît et qui pense même pouvoir revenir un moment en Alsace, elle, va mener un combat intérieur pour obtenir sa place dans ce monde de domination masculine. Sans connaissance médicale, elle ouvre une copie de modeste dispensaire.

« Ils étaient deux excommuniés qui ne peuvent plus prier dans aucune église et dont le dieu est un secret, intime, dont ils ignorent jusqu’au nom ».

L’écriture de Leila Slimani, prend toute son ampleur pour dire le désarroi de ces femmes qui veulent secouer ces décennies d’enfermement, de négation de soi. C’est à elles, ces mères, ces épouses, ces soeurs que l’on s’attache alors. Selma, la jeune belle soeur, rebelle, que l’on mariera de force à Mourad, un compagnon de guerre de son père. Ou encore Mouilala, la belle-mère, symbole d’une génération d’acceptation, de renoncement. Et Aïcha, la fille de Mathilde, intelligente et déjà pleine de questions et de révoltes, elle qui « croyait même que c’était pour cela qu’on avait inventé le maquillage. Pour masquer les coups des hommes ». Les hommes ne semblent guère plus heureux, empêtrés dans leurs contradictions, se lâchant juste par instant lors d’une baignade en mer ou de l’acceptation de quelques gestes d’amour. Ils sont lourds, comme lestés, collés au sol, loin de leurs aspirations réelles.
La toile de fond de la montée du nationalisme dans ce protectorat français, complète ce tableau où Omar, jeune frère d’Amine, symbolise la révolte des indépendantistes, lui un être sombre qui fait partie de ces « hommes pleins de grands mots, des hommes bouffis d’idéal, qui à forcée grands discours avaient épuisé en eux toute forme d’humanité ». On devine que l’obtention de l’indépendance ne changera rien à la condition féminine.
En évitant tout slogan, tout parti pris apparent, Leila Slimani poursuit avec ce livre le combat qu’elle mène partout depuis l’obtention de son prix Goncourt, celui de la lutte contre la domination masculine, l’obscurantisme religieux mais pour la liberté des moeurs, l’égalité des sexes. Un combat que le lecteur se réjouit de partager avec elle.

Eric

Conseillé par (Librairie La Grande Ourse)
22 mars 2020

La guerre, si loin si proche...

Comment rendre compte de la tragédie de la guerre ? Et de l'effondrement d'une nation dont on avait fait croire à son peuple qu'elle durerait mille ans ? « Les bienveillantes », l'extraordinaire roman de Jonathan Littell, décrivait l'effondrement militaire et moral de l'Allemagne à travers les yeux d'un officier SS emporté dans la débâcle et sombrant dans la folie.
Arno Geiger, romancier autrichien encore peu connu en France, nous fait vivre le même effondrement loin des combats, à travers le regard de gens ordinaires, au premier rang desquels un jeune sous-officier de la Wermarcht blessé sur le front russe et replié le temps de sa convalescence sur les bords du lac de Mondsee, dans les Alpes autrichiennes. Revenu en quelque sorte à la vie civile, il partage la vie d'autres civils, habitants du village ou réfugiés comme lui. Le cadre est d'un extraordinaire splendeur, le village et le lac au pied de sommets étincelants, au milieu desquels se détache la muraille imposante du Drachenwand, qui signifie « Mur du dragon » (le titre original du livre est « Unter der Drachenwand », « Sous le Drachenwand », auquel le titre français ne rend pas justice, et c'est dommage), et pourtant la guerre est là, si loin, et si proche : tout commence à manquer, les escadres alliées grondent dans le ciel à la nuit tombante, on entend les bombes s'abattre au loin, sur la ville de Linz. Et le jeune soldat, assailli de terribles crises d'angoisse au souvenir des horreurs qu'il a vécues en Ukraine sent peser sur lui la menace d'être renvoyé sur le front.

Ce jeune soldat s'appelle Veit Kolbe, mais son nom apparaît peu car il est le narrateur, au travers d'une sorte de journal, écrit à la première personne. Ce journal nous installe dans un quotidien empreint d'une étrange douceur, fait de promenades le long du lac, où Veit croise les jeunes filles d'une école de Vienne, déplacées dans un ancien centre de loisirs avec leurs institutrices. Fait aussi d'une amitié qui se tisse peu à peu avec un voisin qui entretient patiemment une vaste serre où poussent des tomates, nostalgique du Brésil où il a vécu, et farouchement anti-nazi. Fait enfin et surtout et de la rencontre avec Margot, une jeune femme de Darmstadt, dont le mari est au front, réfugiée ici avec son enfant, avec qui Veit vit une histoire d'amour d’autant plus pure qu'elle n'a probablement pas d'avenir.
C'est la beauté du livre d'Arno Geiger, que d'installer cette douceur au cœur de la tragédie qui s'annonce.
D'autres voix viennent se mêler à celle de Veit qui rendent cette tragédie plus présente : celle de la mère de Margot restée à Darmstadt écrasée sous les bombes, et qui énumère à chaque lettre les noms des parents ou amis disparus, celle d'une famille juive qui fuit les persécutions à Vienne pour se réfugier à Budapest, ou la persécution est bientôt pire (c'est à l'été 1944 que sont déportés en masse les Juifs hongrois), celle de l'amoureux d'une des jeunes filles réfugiées à Mondsee, resté, lui, à Vienne, et finalement enrôlé pour aller se battre, dans les derniers mois de la guerre.

C'est l'autre beauté du livre que de mêler ces voix, au fil du roman, avec une grande liberté, sans chercher à les relier par une intrigue qui serait en quelque sorte déplacée, dans ce monde bouleversé.
Toutes ces voix de gens ordinaires, y compris celle de Veit, expriment une sorte courage tranquille, qui les rend poignantes. Mais Arno Geiger n'embellit pas pour autant le tableau. D'autres personnages incarnent la veulerie, la mesquinerie, la cruauté. Elles restent à l'arrière plan, comme si elles n'intéressaient pas l'auteur.

La tragédie finira par rattraper Mondsee et Veit Kolbe. bien entendu. Les pages dans lesquelles ce dernier décrit une Vienne au crépuscule (au sens propre), enfouie sous la neige, et qui se prépare de façon désespérée et dérisoire à l'arrivée des troupes alliées, sont la dernière beauté, déchirante, du livre.

Jean-Luc

Conseillé par (Librairie La Grande Ourse)
21 mars 2020

Une histoire atypique et touchante.

Maia raconte dans ce livre la vie de sa mère "avant qu'elle s'en aille" avec beaucoup de pudeur et sans exagérer dans les effusions de sentiments.
Ce roman est, je pense, un hommage à l'immigration et à l'émigration en raison des parcours de vie des membres de la famille Kanaan.

La Maman de Maia est au centre du roman et elle a le rôle de maintenir mari et enfants dans une famille unie ce qui n'est pas simple pour des personnes dont les racines sont multi-raciales.
Ce roman, très bien écrit, se lit comme on boirait un bon thé accompagné de gâteaux sucrés mais aussi quelques fois salés.

Eric Broussin.