L'hiver du commissaire Ricciardi

Maurizio De Giovanni

Rivages

  • Conseillé par
    16 octobre 2019

    Naples, mars 1931, an 9 du fascisme italien. Un vent glacial souffle sur la ville, dernière offensive de l'hiver avant la douceur du printemps. Loin de ces considérations météorologiques, le théâtre San Carlo est en effervescence. Le célèbrissime ténor Arnaldo Vezzi est dans les murs pour y jouer deux pièces. Adulé des foules et grand ami de Mussolini, l'homme est moins apprécié de ses collègues qui lui reprochent ses caprices et son arrogance. Aussi, les suspects sont-ils nombreux lorsque le chanteur est retrouvé assassiné dans sa loge. En charge de l'enquête, le commissaire Luigi Alfredo Ricciardi découvre le ténor baignant dans son sang, la gorge tranchée par un éclat de miroir, les murs rouges d'éclaboussures et le manteau et l'écharpe de l'artiste curieusement immaculés. Une larme coule sur sa joue et de sa bouche sort un air de Cavalleria rusticana. Mais cela, seul Ricciardi peut le voir et l'entendre. Depuis sa tendre enfance, le commissaire voit les morts. Un don, mais aussi un poids, qui l'a rendu triste, solitaire et a fait de cet aristocrate un policier doué mais trop étrange pour être aimé de ses collaborateurs.

    Malgré le froid et la mort du ténor, Maurizio de Giovanni nous convie à une belle promenade dans la ville de Naples. On parcourt avec son commissaire les rues populaires comme les quartiers résidentiels, on déguste une sfogliatella chez Gambrinus, on entre dans les coulisses du magnifique théâtre San Carlo. Mais la balade est loin d'être bucolique. Au vent glacial s'ajoutent l'ambiance maussade induite par le fascisme et les morts que voit Ricciardi. Un policier taciturne mais attachant. Si ses supérieurs ne l'apprécient pas, il peut compter sur la vieille Rosa pour s'occuper de lui à la maison et sur son adjoint Maione qui l'accompagne dans son travail. Sans cesse confronté à la souffrance et aux morts violentes, Ricciardi se console aussi en observant Enrica, sa jeune voisine, dont la vue lui apporte paix et sérénité.
    Quant Vezzi, l'ami personnel du Duce, il s'avère extrêmement antipathique malgré sa voix enchanteresse. Seul le monde lyrique pleure sa disparition, son entourage étant unanime pour dénoncer son comportement déplorable envers les femmes, le personnel et les membres de la troupe. Pour enquêter au théâtre, le commissaire demande de l'aide à un passionné d'opéra qui lui dévoile les secrets de ce monde qu'il ne connaît pas.
    Un whodunit classique a priori mais qui dégage un charme particulier, sans doute grâce à la personnalité de Ricciardi et à la belle ville de Naples. Premier tome d'une série, cet hiver se prolonge au printemps et on a hâte de retrouver l'univers créé par Maurizio de Giovanni.