Alice Kahn

Pauline Klein

Éditions Allia

  • 13 octobre 2010

    Intriguée par l'article paru dans les Inrockuptibles, je me suis laissée tenter par ce premier roman de Pauline Klein Alice Kahn. Voici un petit roman bien singulier. Une fille se fait passer pour une autre et déjoue les pièges de l'identité. Pauline Klein semble s'amuser tel un marionnettiste avec ses personnages.

    La narratrice d'Alice Kahn semble inexistente, transparente comme une page blanche à noircir, une enveloppe vide à remplir. Elle se croit invisible jusqu'à sa rencontre fortuite avec William Stein, un photographe. Ce dernier la prend pour une autre, celle qu'il attend Anna. La narratrice décide de devenir cette autre. "Anna" devient alors l' image d'elle-même , magnifiée et fantasmée. Anna devient une oeuvre en cours, elle la façonne comme un artiste crée son oeuvre. Un véritable trompe-l'oeil qui prend place dans un cadre. Le monde de l'art contemporain est évoqué avec beaucoup d'ironie, un monde que Pauline Klein a fréquenté lors de sa sortie de l'école d'art Central Saint Martins de Londres.

    La fiction et la réalité se confondent, les personnages comme des poupées matriochkas s'emboîtent. Pauline Klein brouille les frontières, se joue de la réalité.

    "Je suis devenue cette fille, je vais m'y habituer, et lui aussi. Il remplacera ses mains par les miennes, ses souvenirs par les nôtres. Il retouchera l'image, le sens et les détails. Il va me confondre, me fondre dans son décor. Je jouerai à celle qui s'y sent bien, jamais à ma place; je remonterai sa pente, à la recherche de ce qu'il a connu, en essayant de ne ressembler à rien d'autre."

    Véritable prouesse dans ce premier roman très fantaisiste qui rappelle le temps de l'enfance. La narratrice s'absente d'elle-même et devient celle qu'elle magnifie. Anna devient chef d'oeuvre, son portrait une fois encadré disparaît. D'une femme transparente, elle devient celle qu'on encadre et qu'on admire.

    "Elle est devenue tout ce que je n'étais pas, et tout ce que je voulais être".

    La quatrième de couverture "...mais je dépose des traces de ma présence." est un très bel écho à ce premier roman très singulier. Très belle plume originale que je vous invite vivement à découvrir. J'aime beaucoup cet univers fantaisiste et le portrait de l'auteur dans cette vidéo diffusée par Médiapart me séduit beaucoup.


  • Conseillé par
    6 septembre 2010

    J'ai aimé ce premier roman de Pauline Klein. Un roman hors cadre, hors norme comme son personnage. Une jeune femme qui a toujours eu l'impression d'être inexistante aux yeux des autres. Comment s'inventer une vie? Elle y réussit en collant des morceaux des autres, des bribes de conversations, des gestes observés. Elle s'invente un père, lui construit une vie.
    Caméléon fondu dans la masse, elle veut juste être reconnue. Avec fantaisie et innocence, elle décline "Alice "dans le monde de l'Art : artiste, photographe reconnue par tous pour ses expositions …
    Mais William va se rendre compte de sa supercherie.

    Une belle écriture, un livre sous forme de bulle, une très jolie parenthèse où rêve et réalité se côtoient.

    Qui n'a jamais souhaité vivre l'existence d'une autre personne l'espace de quelques jours?


  • Conseillé par
    31 août 2010

    Fantaisie identitaire

    « Anna ? » interroge William Stein, photographe, qui a, apparemment, rendez-vous avec Anna à la terrasse du Libre-Echange.

    Une question qui donne l’occasion à la narratrice de s’approprier cette Anna, de se glisser dans ses contours, de vivre pour elle les débuts d’une relation avec William : « Je me donne une heure. Une heure de silences bien choisis, de tromperies minutieuses, à le faire parler, à glaner quelques informations sur moi-même, ou sur Anna, pour entrer dans la peu du personnage. » Petit livre original et drôle de cette rentrée littéraire, Alice Kahn interroge l’identité tout en révélant le talent d’un jeune auteur, Pauline Klein. Elle a créé avec sa narratrice aux multiples facettes, et dont on ne saura finalement jamais la véritable identité, un personnage bien étonnant ! « Je ne travaille que lorsque je trouve une position adéquate pour rentrer dans un poste vacant » annonce-t-elle. Ainsi la jeune femme a-t-elle déjà occupé un poste de journaliste dans un magazine culturel, l’occasion de « créer » une mystérieuse artiste, Alice Kahn. Mais elle-même s’amuse à déposer un peu d’elle dans les musées et les galeries : « Je passe inaperçue mais je dépose des traces de ma présence. Je vis pour ne me souvenir que des moments d’absence. » Un cadre chiné posé dans un musée, des points aux feutres sur des tableaux de Warhol… autant de petits gestes qui traduisent un besoin de se sentir au monde. Parce que le départ d’un père, l’abandon lâche, la narratrice ne s’en est jamais vraiment remise. Alors la petite fille qui n’a « hérité de rien » et passait inaperçue invente sa vie. Ce petit roman enlevé, rythmé, et follement original triture la question de l’identité de manière presque inquiétante car on ne peut s’empêcher de se demander : « les gens sont-ils finalement vraiment ce qu’ils semblent ? ». Ce premier roman livre aussi un regard ironique sur le monde de l’art contemporain et le personnage principal aurait bien pu être inspiré d’artiste telle que Sophie Calle qui a aussi l'art de mettre sa vie en scène, ou de mettre de l'art dans sa vie - au choix.