Article 353 du Code Pénal

Tanguy Viel

Les Éditions de Minuit

  • Conseillé par (Au moulin des Lettres)
    14 février 2017

    Une construction et une langue éblouissantes

    Dense, parfaitement construit, voici le roman d’un drame intimiste et social. Le narrateur dévoile au juge qui l'a convoqué, dans un monologue savamment construit, le mobile d’un crime dont il est accusé et les rouages d’une arnaque dont est victime une petite commune bretonne. Le sort que la justice va réserver à ce pauvre hère, sa confession ainsi que la langue travaillée comme un bijou font du roman et de sa chute un éblouissement…


  • Conseillé par
    12 septembre 2017

    Un passionnant huis clos entre un jeune juge et l’assassin d’un promoteur immobilier véreux.
    Ou plutôt, le long monologue d’un homme pris au piège par un autre, face à un juge bienveillant.
    C’est fort bien mené. Martial, abusé comme bien d’autres par un homme sans scrupule, lance ses phrases comme un naufragé. Certes, il a bien poussé à l’eau celui qui est la cause de tous ses maux, mais quel chemin pour en arriver là ! Et il sait bien expliquer le lent processus qui l’a mené à cette extrémité.
    C’est une excellente analyse psychologique d’un homme poussé à bout et d’un autre sans aucun scrupule.
    Et fort heureusement, le juge qui a bien compris l’affaire, use de l’article 353 du code pénal.
    Une lecture sans temps mort, avec une tension qui monte au fil des pages.


  • Conseillé par
    19 juillet 2017

    justice, vie moderne

    Qui croit encore que la justice règle tous les problèmes de façon impartiale ? Pas moi, en tout cas. Jusqu’à ce que je lise ce roman qui, au départ, ne me tentait pas plus que ça, rapport au code pénal.

    Et puis il a croisé ma route, alors je me suis lancée dans sa lecture. Une lecture exigeante, car le personnage parle : les phrases sont longues, la chronologie aléatoire. Au lecteur de faire des ponts, rapprocher les événements et découvrir un personnage principal à qui la vie n’a pas fait de cadeau.

    Pourtant, jamais il ne désespère. On suit ses réflexions, c’est un homme qui ne parle pas beaucoup mais observe et déduit. Et agit, finalement.

    J’ai tout de même un doute sur la fin du roman par rapport à ce fameux article : oui, il invoque le doute raisonnable, mais pour les juges et jurés de court d’assise, pas avec le juge d’instruction, je me trompe ?

    Un auteur que j’apprécie toujours autant.

    L’image que je retiendrai :

    Celle du fils du personnage principal défaisant tous les amarres des bateaux de plaisance de la rade.

    http://alexmotamots.fr/article-353-du-code-penal-tanguy-viel/


  • Conseillé par
    29 juin 2017

    Martial Kermeur est entendu par un juge. C'est à lui qu'il raconte son histoire, celle qui l'a mené jusqu'à passer par dessus bord, en pleine mer, Antoine Lazenec, promoteur véreux et escroc avéré. Après son geste, Martial rentre tranquillement chez lui, il est arrêté par la police et emmené devant ce juge. C'est alors qu'il raconte l'escroquerie de Lazenec et les conséquences d'icelle sur toute la presqu'île et sur chacun des habitants.
    Édité chez Minuit, comme les autres ouvrages de Tanguy Viel, ce livre pourrait être classé dans les romans policiers ou noirs. Quasi huis-clos entre le juge et l'assassin mis à part les retours sur l'affaire Kermeur/Lazenec. Tanguy Viel use des codes du polars en ménageant ses effets et du suspense quant au devenir de Kermeur et aux diverses actions des uns et des autres jusqu'à l'acte ultime. Et puis, surtout, le romancier en profite pour parler de la Bretagne qui lui est si chère, de cette presqu'île que Lazenec veut défigurer par un programme immobilier ravageur mais de bon rapport financier et prometteur de tourisme et donc d'argent pour les habitants. Et pourtant, malgré le temps pas toujours beau : "Je crois que c'est à ce moment-là qu'il a commencé à pleuvoir un peu, une bruine sans vent qui ne fait pas de bruit quand elle touche le sol et même enveloppe l'air d'une sorte de douceur étrange à force de pénétrer la matière et comme la faisant taire." (p.11/12), mais si joliment décrit qu'on a presque envie de se promener sous cette pluie, elle est belle sa région. Les Bretons sont taiseux, introvertis, durs au mal et sensibles, Martial Kermeur est un bon résumé de tout cela, il saura se confier au juge comme sans doute jamais il ne l'a fait auparavant à qui que ce soit. Les personnages de Tanguy Viel sont présents, profonds, c'est une des forces de ses romans, car même lorsqu'il raconte une histoire mainte fois arrivée, il est passionnant par ses descriptions des âmes et des rapports humains. Il ne décrit pas des personnes lisses et sans intérêt, non Kermeur, comme ses compatriotes est rugueux, complexe, un type lambda mais qui s'est beaucoup questionné et continue de le faire tout en se livrant.

    L'autre grande force de Tanguy Viel, qui me saisit et me ravit à chaque fois, c'est son écriture : de longues phrases très ponctuées, qui, parfois, peuvent véhiculer plusieurs idées, sans que le lecteur ne se perde. C'est un petit exercice de départ que de se mettre en bouche sa manière d'écrire et donc de le lire, mais une fois parti, tout roule et impossible de passer tel ou tel mot, d'abord pour le sens bien sûr, mais aussi et surtout pour le plaisir de lecture. Un second extrait pour justifier mon propos, Kermeur y parle de Lazenec et de sa technique pour soutirer de l'argent aux plus récalcitrants, tout y est dit en finesse et élégance :
    "Et puis quoi, vous croyez que j'aurais cédé si facilement ? Bien sûr que non. Après ça, au contraire, il a laissé le temps s'écouler ce qu'il fallait, les jours s'entasser par-dessus les phrases pour les faire s'oublier et pire encore, faire s'oublier qu'elles pourraient avoir un lien entre elles -quand j'y pense, c'est seulement aujourd'hui, devant vous, quand je rassemble mes souvenirs, c'est seulement aujourd'hui que je soulève le voile qu'il a su déposer et distendre assez pour éparpiller les morceaux dessous." (p.67/68)


  • Conseillé par
    31 mars 2017

    Confession, plaidoyer?
    Martial Kermeur a jeté à la mer le promoteur immobilier qui lui a fait perdre non seulement l’argent que l’arsenal lui a versé lors de son licenciement, mais également son identité. Arrêté, il se retrouve face à un avocat. Le huis clos entre les deux hommes est émouvant, troublant.
    Les faits sont traités rapidement. Kermeur reconnaît avoir jeté Lazenec à la mer. Puis commence le long monologue de Kermeur au cours duquel il retrace la chronologie des douloureux évènements qui l’ont conduit à ce geste, monologue nourri par les questionnements et les remarques du magistrat qui « pensait qu’à l’intérieur des faits, il y avait la vérité ».
    Cette déclaration, posée sur un contexte politico-social pesant, est percutante.
    La question sociétale de la violence physique engendrée par des comportements sournois, hypocrites, mesquins, vils, est clairement posée.
    Reste l’article 353 du code pénal : « …la loi ne leur fait (aux juges) que cette question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ? ».
    Et vous, quelle sera la vôtre ?


  • 8 février 2017

    Dans un coin désolé du Finistère, Martial Kermeur pousse à la mer un promoteur immobilier véreux.
    Immédiatement, il est déféré devant un juge face auquel il déroule l'enchaînement des faits qui l'ont conduit à ce geste fatal.Tanguy Viel dépeint alors tout le désarroi, la colère et l'humiliation d'un homme pris dans un piège financier, un homme floué, terrassé par le poids de ses échecs, un homme qui l'espace d'un instant,
    a voulu croire en un avenir meilleur. Mais désormais l'avenir est hypothéqué… A moins que...
    Entre roman noir et tableau social, on retrouve avec bonheur un auteur au sommet de son art.


  • 30 janvier 2017

    Année 90 : présentation un village dans le Finistère Nord ; Martial Kermeur, ancien ouvrier de l’arsenal de Brest dont il a été licencié ; il a été embarqué dans une arnaque immobilière par Antoine Lazenec. Martial a beaucoup perdu dans cette succession de situation : sa femme, l’admiration de son fils, son vieil ami, sa prime de licenciement.
    Le roman commence par une promenade en bateau au cours de laquelle Kermeur jette à l’eau Antoine et le laisse couler. De retour au port, il marchera jusqu’à chez lui sans remords. Mais la découverte très rapide du corps entraîne tout au aussi rapidement son arrestation. Et là le roman se transforme un dialogue sous forme de confession entre Martial et le juge : on saura qui était Lazenec, un escroc qui va détruire la vie de plusieurs personnes, faire la ruine d’un village. On devinera cette Bretagne maritime, celle des petites gens, celle des taiseux. On comprendra la non-communication avec le fils.
    Drame social et humain, ce roman, très fort, est porté par la voix d’un homme à bout, la voix de ce monde ouvrier qui se délite.


  • Conseillé par
    11 janvier 2017

    Tout commence sur un bateau. Martial Kermeur jette à l'eau délibérément Antoine Lazenec. Il ne cherche pas à s'enfuir du bout de cette presqu'ile près de Brest et attend d'être arrêté. Conduit chez le juge, il raconte ce qu'il a commis mais surtout comment les évènements se sont succédés.
    Retour arrière juste quand l'arsenal licencie à tour de bras. Martial faisait partie du lot. Se femme le quitte le et le laisse avec leur enfant, la brume et le brouillard de la rade. Pas du genre à étaler ses états d'âme, il essaie de ne pas sombrer et de faire bonne figure même si les temps sont durs et qu'il a encaissé sa prime de licenciement. L'emploi ne court pas les rues dans ce bout de Finistère fouetté, la mer et les éclats de soleil. Et quand le maire un ami d'enfance lui propose un emploi, il accepte. Sa route va croiser celle d'Antoine Lazenec. Un promoteur immobilier qui éblouit tout le monde et qui des grands projets.

    Sortir de cette terre une station balnéaire, relancer l'emploi. Le messie en quelque sorte. Je n'en dis pas plus. Il suffit d'écouter l'écriture de Tanguy Viel : juste, magnifique par ses descriptions des paysages, sans grandiloquence mais avec un timbre qui la rend si vraie. Un roman qu'on ne lâche pas et qui prend à la gorge par sa puissance. Chaque phrase serait à citer pour la description des relations père/fils, des ressentis de Kermeur qui se livre en toute honnêteté et en toute conscience au juge, d'une région telle qu'elle est (parole de Brestoise). Ce livre nous interroge sur les valeurs morales, les engagements que l'on défend mais surtout sur ce que l'on ressent au plus profond de soi quand on leur tourne le dos. Un gros coup de cœur !