Une fille de...

Jo Witek

Actes Sud

  • Conseillé par (Librairie Chantepages)
    5 septembre 2017

    Se construire dans l'adversité

    Hanna est la fille d'Olga, femme ukrainienne a qui l'on a fait miroiter les rêves les plus fous et qui s'est retrouvée enchaînée à un pied de lit dans une chambre glauque, droguée et violentée par des brutes épaisses. De jeune adolescente pleine de vie Olga devient chosifiée et propriété de Pavel, proxénète officiant entre autre à Paris et lié sans aucun doute à la mafia russe. Hanna sa fille est donc fille de prostituée et dès l'âge de quatre ans, alors que sa mère l'a emmenée dans un magasin de chaussures, elle est confrontée à la violence et à la haine. Elle comprend peu à peu le métier de sa mère et cherche à s'en sortir, à échapper à sa condition que les autres lui imposent : ça se fera par la course à pieds. Comme elle le dit, « [son] marathon est social ». Surtout, elle connaîtra ce que sa mère n'a jamais connu, à savoir l'amour, le vrai.
    Jo Witek signe ici un monologue bref mais qui a autant d'effet sur nous qu'un crochet du droit, sur un des sujets les plus tabous qui soient dans un pays – en l'occurrence la France - qui se veut progressiste et moderne. Sans langue de bois, elle brandit la plus redoutable des armes, la parole, contre le fatalisme et la méchanceté la plus vicieuse qui frappent la prostitution. A ce monde dans lequel les criminels sont des superhéros et où les victimes et les altruistes sont les monstres qui hantent les cauchemars des personnes « propres sur elles », Hanna, le personnage principal de ce récit, oppose une réflexion simple et élégante : quarante millions d'individus, dont 35 millions de femmes, se prostituent dans le monde pour SURVIVRE. C'est une réalité effrayante mais, comme elle nous le demande si bien de manière rhétorique, faut-il en faire une fatalité ? Pourquoi ne pas au contraire leur donner une vie meilleure, leur permettre de reprendre leurs études, instiller dans le regard des autres l'amour et l'empathie plutôt que la haine et le dégoût ?
    Récit coup de poing, incisif, sans détour aucun dans le langage qui peut paraître cru (mais à réalité violente langage violent), « Une fille de... » est un manifeste humaniste inspirant qui fera taire les fatalistes de tout poil.